Après plus de 20 ans d'existence avec de nombreux hauts et de vertigineux bas, Chris Corner et sa créatures IAMX continu de nous hanter avec cette dark-électro si singulière. En totale indépendance depuis près de dix ans, IAMX produit comme et quand il le veut. Les tournées hautes en couleurs et en énergies s'enchaînent pour le plus grand plaisir d'une solide fanbase. Chris Corner est un créatif compulsif et touche à tout doué. Il compose, écrit, crée ses visuels et vidéos pour lui-même et certains autres. A près de 50 ans, rien ne semble pouvoir stopper cette créativité folle, pas même une santé mentale parfois chancelante.
Les nouvelles ne se sont donc pas faites attendre longtemps et après le conceptuel 'Machinate' en 2021, IAMX est de retour avec un album qui s'annonce visiblement en deux parties. En effet, 'Fault Line1' paru en mai dernier et neuvième album studio du projet appel à une suite vraisemblablement prévue début d'année prochaine. La grosse demie heure de musique présente huit solides compositions aux mélodies accrocheuses habillées haute couture par Chris Corner dans cet univers singulier qui est le sien. L'ouverture que consiste 'Disciple' envoie un signal fort sur un titre puissant et sombre bénéficiant d'une mélodie qui fait mouche. Les machines et les organismes se livrent une lutte sans merci alors que les vocalises de Chris Corner donnent à l'ensemble un aspect dramatique et angoissant. Du beau travail. 'Fault Line' (en vidéo ci-dessous) qui suit se fait plus mélancolique soutenu de notes de piano d'un autre espace. La composition est classique et envoûtante. L'ensemble prend de la hauteur dans son orchestration et s'envole vers une issue déchirante. Ce nouvel album de IAMX débute avec puissance et inspiration. La noirceur et un certain mystère persistent dans cette suite qu'est 'In Bondage' à la fois planant et pesant. Plus pop dans sa construction le morceau cadencé offre une solide composition à la mélodie simple et efficace.
On reste dans l'excellence alors que 'Fault Lines1' est déjà a demi consumé lorsque 'The X Id' déboule en milieu de parcours, sinueux et rampant comme un reptile. L'explosion n'est pas loin lorsque le refrain retenti et les échos tourbillonnent encore et encore. La voix de Chris Corner peut parfois agacer mais apporte davantage qu'elle ne lasse. 'Radical Self-Love' qui suit, offre une respiration semi acoustique avec une tirade piano voix essentiellement soutenue d'une mélancolique mélodie enrichie de quelques effets. L'ensemble est plutôt agréable même si les vocalises sont parfois poussées à l'extrême. Quand démarre 'Thanatos' comme piloté par une coeur mécanique on sait qu'un moment important de l'album se met en branle. La rythmique métronomique qui reste le seul contrôle de la composition soutient un ensemble qui s'échappe dans une folie parfois dissonante. Pourtant la mélodie est là, construite et puissante. Sans doute le passage le plus inattendu et originale de cette nouvelle livraison. La maîtrise dont fait preuve IAMX dans son art est la marque des grands. Alors que l'on glisse doucement vers la fin, 'The Truth' surgit et emporte vers une ballade vénéneuse à la fois ensorcelante et dangereuse. Le genre de composition à double lecture, riche et pleine de surprises. Les détails sonores bondissent de partout sur une mélodie de velours habitée par la voix singulière d'un Chris Corner plaintif et déchirant. c'est d'une beauté renversante ! Une fois l'acidité passée, c'est un final solennel que nous offre IAMX avec 'Army Of The Winter Sun', un passage désincarné, presque fantomatique qui plane, vaporeux, éthéré dans un habillage expérimental pour finalement s'étioler et disparaître dans la nuit. Chris Corner est de retour, de nouveau empli de matières propices à une inspiration qui semble sans faille pour sa créature IAMX de nouveau sur les rails. 'Fault Line1' en est la preuve flagrante et propose un univers fidèle et revigoré pour un disque condensé et riche qu'il est fortement conseillé de faire sonner dans son propre environnement.
Artefacts (Reimaginings From The Original Psychedelic Era)
CD/LP
[ Cleopatra ]
23.05.23
THE KVB, duo britannique débuté en 2010 comme un projet solo est souvent décrit comme étant un condensé de shoegazing et de cold-wave, subtile mélange de guitares et de machines. Nicholas Wood compose, il est guitariste et producteur. Il interprète également la plupart de ses compositions. Kat Day arrivée en 2011 chante et joue du clavier. Depuis 2012, les disques s'enchaînent pour THE KVB à l'allure quasi tenue de un par an. On ne compte plus les formats courts et les labels avec lesquels le duo à travaillé. THE KVB a notamment publié sur A Records, la label de Anton Newcombe avec lequel il a tournée en première partie de The Brian Jonestown Massacre en Australie. Le groupe de Newcombe et THE KVB ont d'ailleurs publié un split 7' vinyle en 2013. Plusieurs parutions ont aussi été éditées par Invada Records, label de Goeff Barrow (Portishead), avec lequel ils ont enregistré à Bristol.
La dernière parution de THE KVB est conceptuelle et consiste en un album complet de reprises. 'Artefacts (Reimaginings From The Original Psychedelic Era)' est sorti en mai dernier sur le label américain Cleopatra. Il fait honneur à certains héros ou quasi inconnus des années 60 et correspond sans doute aux amours du maître d'oeuvre, Nicholas Wood. L'entrée en matière, 'I Ain't No Miracle Worker' pourrait être une chute de studio du groupe Mazzy Star dans son aspect 'cotonneux' mais consiste en une reprise du groupe garage The Bogues, véritable étoile filante du rock garage des années 60. Le titre de 1965 est ici totalement remanié en en conservant malgré tout l'essence. The Who sont aussi de la partie avec ce 'Circles' synthétisé et machiné, extrait de leur troisième album de 1966. La reprise est une véritable réussite et apporte un regard neuf sur l'originale. On reste en 1966 avec cette mystérieuse et savoureuse relecture du 'Reverberation' par 13th Floor Elevators. La suite reste fidèle dans la mélodies mais totalement novatrice dans l'habillage, THE KVB ose en effet une relecture électro goth du psychédélique 'Medication' (1966) des californiens de The Standells. Déroutant autant qu'envoûtant. Il y a peu d'évidence et encore moins de facilité dans le choix des reprises, surtout lorsqu'on croise les obscurs The Calico Wall, formation peu connue de Minéapolis n'ayant sorti que deux singles en 1967. Fantomatique et spectrale, 'I'm A Living Sickness' colle parfaitement à l'univers décharné souvent hanté par THE KVB. Transcendance totale pour 'Night Of The Long Grass' qui passe de la douce mélodie chaloupée des 60's à un blues synthétique atmosphérique. Difficile il est vrai de reconnaitre le titre de 1967 composé par The Troggs pour leur troisième album. La suite se veut encore plus confidentielle avec ce travail étonnant effectué sur leur seul titre des obscures The Groupies. 'Primitive' s'y trouve ralenti et bénéficie de relents du 'Nightclubbing' de Iggy Pop. Cette nouvelle interprétation fait d'ailleurs partie des meilleures de la liste par sa patine rétrofuturiste irrésistible. Quel émerveillement quand retentissent les premières notes du très beau 'Pictures Of Matchstick Men' (en vidéo ci-dessous) de Status Quo. La version de 1968 déjà superbe se voit magnifiée dans des envolées nettement plus lyriques et extra-terrestres. Un véritable mirage auditif...
The Pretty Things n'est pas en reste est son 'Midnight To Six Man' fait un bon de 1965 à un futur encore non atteint en 4 minutes et 54 secondes. On peine à reconnaître le rock furieux de The Pretty Things dans cette ballade atmosphérique qui plane à mille lieu loin dans les étoiles. THE KVB possède la faculté de faire sienne la musique des autres aussi différente soit elle. Le prisme THE KVB prend tout son sens sur cet album de reprises qui semble ne pas en être un, à tel point qu'on oublie le but même de cette nouvelle livraison. Le duo signe également dans les reprises énigmatiques, 'Liar, Liar'. Qui se rappel de The Castaways, groupe de rock adolescents du Minnesota qui a publié une poignée de singles entre 1965 et 1968. Pourtant, passé à la sauce 'touching-pop' façon Elli et Jacno, ce titre de 1965 prend un sens nouveau sans toucher à son essence même. La final lui, offre une version totalement réincarnée d'un titre de Them qui jouait dans la même cours que les Rolling Stones entre 1963 et 1973. Leur 'I Can Only Give You Everything' qui date de 1966, s'envole dans un espace temps nouveau, lui offrant une voyage intersidéral aussi inattendu que jouissif.
Voilà donc que pour cette nouvelle livraison et malgré le concept de 'Artefacts' et les hommages rendus, THE KVB fait du KVB, en allant droit au but, parfois même peut-être un peu facilement mais toujours inspiré. L'album contient son lot de pépites et montre tout le talent du duo qu'il joue à domicile où à l'extérieur. Un condensé de culture fortement conseillé.
Voilà près de 25 ans, on découvrait SIVERT HOYEM au sein du groupe Madrugada. C'est d'abord sa voix qui accroche, cette voix chaude et grave, claire et puissante. On est en 1999. Auteur, compositeur, chanteur et guitariste, ce Norvégien de 47 ans débute pourtant une carrière solo dès 2003, alors que Madrugada poursuit sa route. Lorsque son groupe cesse brutalement toute activité en 2008 après la mort du compositeur et guitariste Robert Buras, SIVERT HOYEM se consacre pleinement à son travail d'artiste solo et sortira entre 2009 et 2016 quatre disques studio de haute volée. La pomme n'étant jamais loin du pommier, le son développé par HOYEM reste dans la veine de Madrugada. Un rock racé, hanté par ses héros ou sinuent de superbes mélodies veloutées accompagnées de la voix de baryton d'un SIVERT HOYEM envoûtant.
Entre 2018 et 2022, c'est la reformation inattendue de Madrugada avec trois de ses membres originaux dont SIVERT HOYEM et les bassiste et batteur, Frode Jacobsen et Jon Lauveland Pettersen . Le trio va tourner à travers le monde, rendant hommage à l'héritage du groupe pour finalement proposer début 2022 un nouvel album de Madrugada, 'Chimes At Midnight' qui paraît après 14 ans de silence discographique. Le résultat est somptueux et va emmener le groupe sur les routes pendant un an.
Début octobre, c'est sans marquer la pause que SIVERT HOYEM a présenté 'The Rust' (en vidéo ci-dessous), superbe épopée de près de huit minutes qui annonce un nouveau disque solo à paraître en janvier prochain. 'On My Island' sera en effet publié par Warner le 24 janvier prochain et se déclinera sous trois éditions. Formats cd, vinyle et vinyle coloré comprenant un 7' vinyle inédit. A en entendre la mélancolique dispensée par 'The Rust', on se demande si la teneur de l'album à venir bénéficiera en son entier de cette coloration.
En selle depuis plus de 45 ans, ces vétérans du mouvement punk donnent leur premier concert sous le nom de THE DAMNED en 1976. De cette époque en ébullition, deux membres originels demeurent sur le pont. Ainsi en 2023, Dave Vanian (voix) et Ray Burns alias Captain Sensible (guitare, basse) font encore raisonner les cantiques de THE DAMNED à travers le monde. A les croiser sur scène, difficile de croire que ces deux là approchent des sept décennies. On avait validé 'Evil Spirit' paru en 2018 après dix ans de silence. Ce 'Darkadelic', douzième disque studio de THE DAMNED est un bon cru qui pousse plus loin le travail entamé voilà cinq ans.
Paru en avril dernier, ce nouvel album est un disque punk dans l'âme, immédiat et bénéficiant d'un son imposant et de mélodies qui mêlent avec brio punk rock et blues. 'The Invisible Man' qui ouvre les portes de 'Darkaldelic' est une bombe à l'efficacité imparable où l'on retrouve les éléments utilisés par le groupe depuis ses débuts. Changements de rythmes, mélodie gothique et utilisation du célèbre orgue, marque de fabrique du son de THE DAMNED. Les cloches qui débutent 'Bad Weather Girl' en attestent. Morceau punk d'excellente facture dans la tradition. Absolument savoureux. Plus loin, plus axé rock, 'You're Gonna Realise' laisse dans sa mélodie en apesanteur la part belle à la voix de crooner de Dave Vanian qui donne au titre toute sa magie. Du DAMNED pur jus ! Alors que l'album est lancé à bonne vitesse, 'Beware Of The Clown' (en vidéo ci-dessous) tire encore vers le haut un niveau déjà élevé avec une mélodie béton et un morceau dont la fluidité n'a d'égal que sa beauté. Jouissif !! Pour ce disque le groupe semble avoir particulièrement léché la mise en place des instruments et la production. Le son est clair, le mix parfait et l'instrumentation épurée et détaillée. On appréciera aussi la mélancolie dégagée par 'Western Promise', plus doux dans son approche et baigné d'une certaine tristesse que viennent amplifiés la trompette et l'harmonium. 'Wake The Dead', garde le cap et retrouve le punk sur une mélodie imparable soutenue de choeurs qui donnent à l'ensemble un côté glam qui fait mouche dès les premières mesures. Décidemment THE DAMNED reste ce groupe surprenant qui tient une place à part dans l'histoire de la musique. 'Wake The Dead' créé en compagnie du poète et musicien Martin Newell est sans doute une des plus belles réussite de 'Darkadelic'.
Après un 'Follow Me' rock blues décapant, on retrouve l'excellence punk au travers de l'agité 'Motorcycle Man' que rien n'arrête, lancé comme une balle, ce titre allie savamment punk rock et blues dans une ambiance très 70's. Du bon, du très bon. On reste dans la fusion punk avec 'Girl I'll Stop At Nothing' qui déboule à fond, armé d'une rythmique syncopée et d'une mélodie à l'efficacité redoutable. THE DAMNED retrouve le feu avec cette nouvelle livraison et met la pige à tant de groupe de jeunots incapables de la même fougue. Plus dansant, 'Leader Of The Gang' donne le ton et l'envie de bouger dans une atmosphère plus légère et peut être aussi plus lumineuse qui chemine vers des envolées lyriques fédératrices. Plus planant encore, en fin d'album, 'From You Lips' élève le propos et offre un titre rock et mélancolique avant que ne vienne clore avec épure et beauté 'Roderick', tirade vocale soutenue du piano et violon, achevant l'ensemble dans une atmosphère solennelle et dramatique. Un beau final pour une album exceptionnel de THE DAMNED. Sans doute parmi les meilleurs du groupe dans sa cohésion, son interprétation et surtout son inspiration sans faille.
Phénomène pop avec un grand 'P', THE NATIONAL est un groupe singulier dans le paysage musical contemporain. Le quintette passionné et passionnant originaire de l'Ohio (Cincinnati) élève le(s) niveau(x) depuis plus de 20 ans. Composé de deux fratries THE NATIONAL est surtout lié par une osmose qu'un parfait équilibre amène à créer de véritables perles folk, pop et rock, racées et classieuses. Matt Berninger à la voix, les jumeaux Aaron et Bryce Dessner (guitares, piano, claviers), les frères Scott et Bryan Devendorf (basse et batterie) composent THE NATIONAL depuis 1999. Le premier album éponyme paraît en 2001 et depuis huit autres ont suivi. Souvent nommée et récompensée, THE NATIONAL est une formation aujourd'hui reconnu pas l'industrie musicale autant que par un public étendu. Il est aussi un groupe très créatif et prolifique et les sorties s'enchaînent, souvent musicalement riche tant de contenu que de qualité. Depuis 2019 et le très beau 'I Am Easy To Find', le groupe s'est peu reposé, entre tournées et sorties alternatives et c'est sans surprise qu'au printemps dernier THE NATIONAL est revenu avec 'First Two Pages Of Frankenstein', neuvième disque studio du groupe et cinquième pour le label 4AD.
C'est tout en délicatesse que s'ouvre le disque avec la mélancolique 'Once Upon A Poolside'. La voix de Matt Berninger comme point central d'une instrumentation ciselée habillée d'une mélodie à fleur de peau. THE NATIONAL sait décidemment soigner ces entrées. 'Eucalyptus', titre plus instantané emporte l'auditeur de façon immédiate et sonne déjà comme un classique. Mélopée pop aux envolées lyriques. 'First Two Pages Of Frankestein' semble posséder les atouts d'un grand cru. La fluidité demeure sur cette pureté que dégage 'New Order T-Shirt'. Un titre simplement beau, authentique et renversant. THE NATIONAL a la capacité de décrire le quotidien de façon extra ordinaire et met des touches de 'beau' ici ou là dans une routine à laquelle aucun n'échappe. Phoebe Bridgers donne de la hauteur à 'This Isn't Helping', un des titre le plus triste de l'album.
Difficile de croire que Matt Berninger a vécu le fameux syndrome de la page blanche tant les mots coulent avec un lyrisme naturel sur le très beau 'Tropic Morning News'. Un titre pop d'une classe folle et d'une simplicité déconcertante. A la fois fort et mélancolique, THE NATIONAL nous fait vivre là un grand moment inspirant et vivifiant. Après cette tendre mélancolie déverser par 'Alien', c'est de gravité dont il s'agit avec 'The Alcott', titre partagé avec Taylor Swift. L'ensemble est en apesanteur et ne semble jamais effleurer le sol pour finalement s'étioler et disparaître. Même si ce nouveau disque de THE NATIONAL tire sur la corde sensible de la tristesse, de la mélancolie et parfois même du désespoir, les puits de lumière sont nombreux et la force dégagé par l'instrumentation qui jongle avec merveille entre électronique et acoustique oriente l'ensemble vers le non abandon coute que coute. 'Grease In Your Hair' en est pétri et respire la volonté et la perséverence. 'Ice Machines' est une balade onirique et vénéneuse qui joue de ses charmes.
Alors que l'album chemine doucement vers l'issue, la beauté, la fragilité et l'extra ordinaire une fois encore nous prennent à la gorge avec le sublime 'Your Mind Is Not Your Friend' (en vidéo ci-dessous), premier texte écrit par Matt Berninger après avoir relu les deux premières pages de 'Frankenstein'. Tout ici n'est que frisson et magie dans un titre venu d'ailleurs. Au moment où que 'First Two Pages Of Frankenstein' s'achève sur l'épurée 'Send For Me', on se dit que voilà longtemps que THE NATIONAL n'a pas proposé un disque aussi inspiré et aussi achevé. On se dit que Matt Berninger n'a jamais aussi bien chanté et que sa voix raisonnera encore longtemps en nous comme un écho. On se dit qu'une telle formation est une bénédiction et que l'on chérira encore longtemps cet admirable disque qui fait déjà figure de classique.