mardi 7 mai 2024

[ CHRONIQUE ]


EMMA ANDERSON
'Pearlies'
CD / LP / K7
[ Sonic Cathedral ]


Pour beaucoup, l'expérience première hors de Lush avec le projet Sing Sing n'aura pas suffit à prendre conscience de l'importance artistique de EMMA ANDERSON. Et pourtant ce premier album solo en son nom propre met en lumière le talent de compositeur et l'influence majeure de cette artiste sur Lush, un des groupes phare du mouvement 'shoegaze' des années 90. Sans les mélodies ciselées de EMMA ANDERSON Lush n'aurait à coup sûr pas eu le même visage et sans doute pas la même destinée. Elles sont nombreuses les compositions marquantes de cette petite anglaise discrète approchant la soixantaine.  'Pearlies', premier album solo paru à la fin de l'année dernière regorge de trésors qui sentent bon ces arpèges pop rock singuliers tant affectionnés depuis plus de trente ans.  Le disque donne sans doute une idée de ce qu'aurait pu être le quatrième véritable disque studio de Lush si le groupe n'avait pas implosé une seconde fois en 2017. 
Pour ce premier essai EMMA ANDERSON a écrit musiques et paroles des dix morceaux qui composent 'Pearlies' et l'ensemble du matériel a été créé pour ce disque, n'utilisant que quelques introductions destinées à Lush pour certains passages. la personnalité artistique de EMMA ANDERSON est forte même si elle est empreinte de certaines influences comme la pop sixties ou certaines musiques de films. Il est de toute façon évident que l'ensemble des titres possèdent des accointances cinématographiques. A la production, le travail de James Chapman (Maps) vient affiner et enluminer la musique déjà bien aboutie de l'artiste. Les parties de guitares de Richard Oakes (Suede) sont un atout, enrichissant les solides compositions de  EMMA ANDERSON. Pour la première fois elle est seule à la barre et le résultat est un merveilleux métissage de genre allant de la pop 60's à des ballades éthérées où des moments plus psychédéliques. L'ensemble possèdent une touche féminine charmante rappelant parfois les regrettés Broadcast ou les historiques Cocteau Twins.  le disque est audacieux et possède des mélodies qui font mouche dans un ensemble séduisant et harmonieux. L'onirique 'I Was Miles Away' qui ouvre l'album est une jolie ballade crépusculaire à la fois tendre et soyeuse. C'est réellement de toute beauté. Le chant de EMMA ANDERSON épouse sa musique avec délice et fragilité.  'Bend The Round' qui a été présenté comme premier extrait avant la sortie de 'Pearlies' est une pop-song veloutée et envoûtante à la mélodie vénéneuse. L'ensemble coule comme le miel enchevêtré dans une pop 60's classieuse. Une pure réussite. La troisième plage pourrait être extraite de l'album 'Split' de Lush. On est à la croisée de la ballade chaloupée et de la bande originale d'un film imaginaire. Plus loin, la jolie ritournelle 'Taste The Air' enchante et virevolte comme une plume dans les arpèges d'une guitare aérienne. le souvenir de Cocteau Twins traverse l'esprit et le coeur comme un fantôme à la fois inespéré et familier.  Comme marquant un arrêt, le quasi instrumental 'Xanthe' est à la croisé de Morricone et This Mortal Coil.  Pas étonnant que l'ex patron du label 4ad ai signifié à EMMA ANDERSON sont amour pour 'Pearlies'. 
La seconde partie du disque est entamée par la beauté pop de 'The Presence', à la fois pure et endiablée revêtue d'un bel habit de guitare planantes et d'une voix céleste. Comment ne pas être enchanté par cette bucolique promenade qu'est 'Willow And Mallow'. On nage en plein rêve et chaque pas est un émerveillement. La beauté de la voix n'a d'égal que la fragilité de l'orchestration. Des échos à la Rose McDowall croise de lointains chants rappelant Elizabeth Fraser. Ciselé et enchanteur. A peine revenu du pays des songes, voilà que 'Tonight Is Mine' happe et emporte dans un tourbillon de sensations et de couleurs chatoyantes. Mélodie mélancolique qui touche en plein coeur, mélange des sentiments et de envies, ce titre est particulièrement entêtant. Avant que la parenthèse ne se referme le très 70's 'For A Moment' distille ses pouvoirs apaisants dans un moment de sérénité. Ici tout est calme avant que la mélodie ne se taise et passe ... comme un mirage. Dernière danse avec 'Clusters' qui contient tous les ingrédients de la pop-song parfaite avec sa rythmique saccadé, cette jolie mélodie acidulée et ce chant sautillant qui donne à cette fin des airs joyeux et légers. 
EMMA ANDERSON sans en avoir l'air vient de proposer un grand disque de pop singulière contenant des merveilles de mélodies et de trouvailles. Cette façon de pauser là des morceaux de magie sans en avoir l'air, des compositions naturellement parfaites aussi simples que riches, aussi légères que profondes. 'Pearlies' est un beau et grand disque, un album précieux et maintenant que conscience est prise, ne reste plus qu'à lui souhaiter une suite et au plus vite. Un des plus beau disques de ces dernières années.

- Olivier HANS LEONELLI -


lundi 6 mai 2024

[ CHRONIQUE ]


NEW MODEL ARMY 
'Unbroken'
CD/VINYLE
[ Ear Music/Attack Attack/Edel ]


On pourra toujours mettre en avant la longévité de NEW MODEL ARMY, plus de quarante ans et sa discographie riche de seize disques studio, ce qu'il faut retenir c'est la force la détermination, les messages et l'inspiration non démentie du groupe mené par Justin Sullivan depuis 1980.  Les anglais on su faire évoluer leur art avec honnêteté tout en conservant leurs racines punk.  NEW MODEL ARMY tourne énormément et aspire l'énergie d'un public militant qui les suit depuis des décennies. Après un 'From Here' de toute beauté paru en 2019, suivi d'une transcription live avec orchestre philarmonique en 2023, NEW MODEL ARMY retrouve l'essence avec un nouvel album où seul l'essentiel à sa place . 'Unbroken' édité en début d'année est tout sauf superflu et les onze nouvelles compositions gonflées à bloc sont là pour le prouver. 
Dès les premières notes, la fougue est intacte. 'First Summer After' possède des atouts hypnotiques dans une mouvance punk saccadées. Bien entendu, élément essentiel, le texte déclamé par Justin Sullivan apporte force et aplomb mais aussi nuance à l'ensemble. La mélodie simple et efficace emporte. Ici en quatre minutes, le ton est donné. L'incandescent 'Language' lancé à grande vitesse enfonce le clou avec un titre puissant et fédérateur. L'unité est de mise et les troupes sont en marche. L'absence de superflu n'empêche pourtant aucunement l'envol des compositions vers les cieux et 'Reload' dispute la magie à l'âpreté. L'équilibre est aussi juste que sublime. Quelle force, c'en est impressionnant ! Endossant le rôle de 'break', 'I Did Nothing Wrong', plus acoustique et nuancé offre des moments d'épure jusqu'à l'éclosion en milieu de parcours. C'est en son centre que le propos s'assombri avec 'Cold Wind', composition sombre et mélancolique qui pousse à la réflexion si ce n'est à l'introspection. Il plane ici une tristesse et une gravité palpable. 
L'enchaînement de la seconde partie de 'Unbroken' est frontale avec 'Coming Or Going', composition brute de décoffrage et véritable défouloir soufflant un vent de révolte. NEW MODEL ARMY semble au travers de sa musique posséder la jeunesse éternelle. 'If I Am Still Me' dégage ce genre d'impression dans un grand rayon d'énergies. Après le déferlement de 'Legend', titre grandiose qui possède une section rythmique fantastique, c'est cru et sec que démarre 'Do You Really Want To Go There?', une bombe punk qui trace un chemin chatoyant sur trois minutes essentielles. 'Idumea' qui suit, propose elle un voyage au loin, là où les racines sont lois. Etonnant passage qui offre un métissage musical entre tradition et modernité. Pourtant à ce stade, NEW MODEL ARMY n'a pas tout dit et 'Deserters' qui officie comme épilogue recentre le propos et expédie sur trois minutes, une composition ramassée et puissante qui clos le nouveau disque avec force alors que raisonne encore les voix de la révolte.
NEW MODEL ARMY nous prouve cette fois encore qu'il reste ce grand groupe essentiel et singulier qui navigue avec son propre langage dans un univers rock et punk dont il est un flamboyant représentant. Sullivan et les siens sont des citoyens d'un monde dont ils ont conscience. La transcription artistique de cette conscience est aussi belle qu'essentielle. 

- Olivier Pierre Hans Léonelli -