lundi 10 avril 2023

[ CHRONIQUE ]



AND ALSO THE TREES
The Bone Carver
CD.VINYLE 
[ AATT ]
30.08.22


Formé en 1979 dans la campagne anglaise, le quintette AND ALSO THE TREES marque dès le début de sa carrière de sa musique singulière une scène punk en pleine effervescence. Leur post punk incandescent se démarque de tous mouvements et sur de solides bases ne fera qu'évoluer au fil du temps. Du noyau dur, seuls les frères Jones (Simon Huw et Justin) demeurent. Sans eux, pas de groupe. Simon couche des texte fiévreux et poétiques sur les musiques ciselées de son frère depuis plus de quarante ans. Face aux tempêtes de la vie et du music business qu'ils occultent aujourd'hui les AND ALSO THE TRESS ont toujours maintenu le cap. Six ans après les très beau 'Born Into The Waves', voici que le groupe est de retour avec un treizième disque composé et interprété avec passion (as always). 
Paru au coeur de l'été, 'The Bone Carver' nouvel album studio d'un quintette stabilisé depuis six ans s'avère être d'une finesse et d'une sensibilité renversante. On retrouve pour la seconde fois le même groupe et outre Simon Huw Jones à la voix, Justin Jones à la basse et à la guitare, sont présents Paul Hill à la batterie (depuis 1998), Grant Gordon à la basse et Colin Ozanne à la clarinette (depuis 2016). On entre doucement dans le monde AND ALSO THE TREES avec la guitare égrainés de 'In A Bead In Yugoslavia', titre mélancolique et fiévreux clamé à sa façon unique par un Simon Huw Jones à fleur de peau. Mélodiquement très beau, ce morceau planant emprunt de sonorités 70's explose de mille flammes sous la savoir faire d'un groupe en pleine possession de son art jusqu'à l'apogée d'une intensité palpable. Une entrée en matière renversante et d'une grand beauté. Pour la suite,  la lourde basse orageuse de 'Beyond Action And Reaction', laisse place à l'éclaircie, une envolée sous les guitares mandolines de Justin Jones. Plus sec et plus frontal, ce titre rappel la passé post punk qui habite encore aujourd'hui les compositions du groupe. Avec ses ambiances hispaniques, 'The Seven Skies' offre une atmosphère chatoyantes et lumineuses, baignant le mystère d'une lumière orangée. Soutenu d'une guitare mandoline aussi fragile qu'essentielle, l'histoire qui suit est elle rêve ou réalité. Qui est cette apparition, cette mystérieuse fille déambulant dans un parc sous les yeux d'un enfant fasciné. Gracile, fragile et féminine, la musique ciselée de fine dentelle colle parfaitement à 'The Girl Who Walk The City', un passage onirique, comme un songe qui hante l'esprit, comme un rêve qu'on voudrait réel. AND ALSO THE TREES est une formation sans pareil pour créer des atmosphères uniques, poignantes et profondes qui touchent au coeur et à l'âme.  En milieu de parcours, 'The Book Burners', propose une ballade chaloupée aux airs de musique des Balkans, par la présence de la clarinette de Colin Ozanne qui serpente joliment, enrichissant une solide mélodie dansante. Cette nouvelle orientation ouvre décidemment la musique du groupe à de nouveaux horizons. D'horizons il en est question aussi dans l'étrange 'Across The Divide' dans lequel l'harmonica laisse place à des couches de guitares venteuses et cotonneuses. Véritable montagnes russes, ce titre est habité presque hanté par une histoire que l'on sent tragique. Superbe en tout point ! 
Presque chamanique, c'est le moment de l'abandon lorsque 'Another Town, Another Face' laisse entendre les voix lointaines sur une mélopée saccadée et entêtante. Les yeux clos, les images se succèdent et l'auditeur se laisse porter dans un monde familier qu'il ne connait pourtant pas. Un titre marquant qui avance crescendo jusqu'à habiter son hôte et lui proposer une expérience étonnante. Quel voyage ! Proche de l'épilogue, le titre 'The Bone Carver', titre hispanisant qui laisse place à la voix de Simon Huw Jones comme instrument à part entière, propose une longue ballade en apesanteur de près de cinq minutes, drapée d'un doux velours. Le bien nommé 'Sun Of Kashiva' baigné d'un éclatant soleil, offre une musique feutrée, douce et mélancolique en guise de conclusion. Comme un départ vers l'ailleurs toujours souhaité, cheminant vers un meilleurs. Intense et doux à la fois, ce titre achève le voyage dans une lumière inespérée, éclatante et chaude. 
Une fois encore AND ALSO THE TREES revient avec un disque unique et précieux, intemporel et profond, aux compositions inspirées et profondes. Un telle exigence artistique est denrée rare aujourd'hui. Félicitons nous d'avoir un jour croisé la route de tels artistes et de pouvoir aujourd'hui encore les retrouver ici  ou ailleurs. Exceptionnel ! (as usual).


samedi 8 avril 2023

[ CHRONIQUE ]



LISA GERRARD & MARCELLO DE FRANCISCI
Exaudia 
CD/LP
[ Atlantic Curve ]
28.08.22


LISA GERRARD reste cette grande voix assez unique dans le monde de la musique moderne, au sein des mythiques Dead Can Dance d'abord mais également au travers de nombreux projets et collaborations depuis près de trente ans. Depuis 'Departum', voilà plus de dix ans que l'artiste collabore avec l'Italo-Argentin MARCELLO DE FRANCISCI. 'Exaudia' paru au coeur de l'été dernier est leur cinquième collaboration et sans doute la plus aboutie. L'album est déployé sur sept tableaux métissés de musique classique moderne, d'expérimentations éthérées et de clin d'oeil à la tradition des musiques cinématographiques. 
Même si 'When The Light Of Morning Comes' en ouverture reste assez classique dans un long développement dramatique, on est tout de suite séduit par la fragilité et la finesse de 'Until We Meet Again', jolie ballade qui oscille entre poésie et rêveries. La mélodie simple et efficace laisse place à la voix de LISA GERRARD juste et enchanteresse. Sans trop en faire, la diva emporte l'auditeur dans une douce séduction de sa voix pure et caressante. Alors que le charme s'installe, 'Fallen' explose de mille couleurs et finit de faire chavirer l'auditeur qui s'abandonne à la magie d'une composition de haute volée. le voyage ne fait-il que commencer ? Les vocalises de LISA GERRARD magnifient une construction musicale qui déjà touche les cieux. C'est frissonnant de beauté et émouvant à souhait. 'Fallen' est une pure réussite et nécessite rien qu'à son écoute qu'on entre de plein pied dans 'Exaudia'. Le titre 'Exaudia' proche des travaux de Dead Can Dance est un titre arabisant du plus bel effet allant crescendo vers une intensité de forme et de fond pour retrouver l'épure de sa genèse en fin de parcours. Les compositions de MARCELLO DE FRANCISCI sont en somme assez simples mais bien construites et efficaces. Il domine le développement des morceaux pour en tirer le meilleur au moment opportun. Empruntant les codes de la musique traditionnelle espagnole, 'Stories Of Love, Triumph & Misfortunes' ose même le vocoder (léger) sur les vocalises d'une LISA GERRARD en pleine possession de ces moyens. Le titre est enjoué et romantique, soutenu d'une rythmique chaloupée dans un ensemble feutré. C'est très beau et tout en fémininité pour un résultat des plus charmant. 
En fin de parcours, 'Stay With Me', même s'il est le moins essentiel de l'album est un titre possède les qualités qui en font un passage fort et efficace. On aurait aimé moins de répétitions et plus de création. En épilogue, 'Exaudia Reprise' qui clos le disque, est une composition rythmée qui offre une relecture originale à l'originel, offrant une ampleur nouvelle et une lumière plus intense encore. Un final de grande beauté pour une disque qui défile comme un mirage. 
Avec cette nouvelle collaboration, LISA GERRARD auprès de MARCELLO DE FRANCISCI retrouve l'écrin idéal à sa voix si unique qui peut tout au long de ces presque quarante minutes s'exprimer dans ses nombreuses modulations pour un disque beau et hors du temps.


vendredi 7 avril 2023

[ CHRONIQUE ]



MELLANO-SOYOC
Alive 
LP/CD
[ Ido Productions ]
20.05.22


Dans le monde de l'Art rien ne meurt jamais vraiment. Il reste des traces indélébiles, des flammes qui passent de mains en mains et qui rendent certaines choses éternelles. Avec le départ de Spatsz tout aurait pu finir. C'était sans compter sur la détermination de Mona Soyoc, véritable icône dans le monde 'underground'. Artiste et voix précieuse, Mona Soyoc ne se contente pas d'entretenir le souvenir de Kas Product, elle poursuit le rêve en préparant de neuf pour le groupe de Nancy. Elle fourmille aussi de projets dont un solo à venir et celui qui nous passionne depuis le printemps dernier en compagnie du multi-instrumentiste de talent Olivier Mellano. En effet, paru en mai dernier, le projet MELLANO-SOYOC n'en finit pas d'aiguiser notre curiosité et de rassasier notre appétit. A la croisée du rock, du jazz et d'une new-wave modernisée, le premier album de MELLANO-SOYOC, 'Alive' est un diamant noir qui réserve son lot de pépites. 
Dès 'Enjoy' en introduction, ce qui frappe c'est la puissance de cette voix reconnaissable aux premières intonations. L'instantané et le chaleur des vocaux de Mona Soyoc se distillent au fur et à mesure de la progression d'un morceau urgent et incandescent. Le décor est pausé, organique, implacable et franc. 'Avatar' plus mystérieux se fait aussi plus sombre et frontal. les vocaux ensorcelants serpentent sur un titre à la fois opaque et planant. On est loin des machines métronomiques de Kas Product et pourtant la filiation est bien là. 'Heart', plus épuré et à mi chemin du parlé et du chanté, avance à la vitesse d'un coeur en mouvement rapide. Titre plus expérimental et tout autant addictif, accélérant la cadence alors que Mona Soyoc scande telle une prêtresse. 'Heart' achève sa folle épopée en un rock acide qui doit faire son effet en version live. 'Come In The Winter' marque la pause en mode apaisé. Chaloupée, la mélodie à la croisée de la pop et du blues est accompagnée d'une voix plus douce, tantôt chuchotée tantôt effleurée. 'Unvulnerable' qui ne figure pas sur la version vinyle de 'Alive' et un poème vocale mystique de plus de six minutes qui mute en milieu de parcours vers une ensorcelante psalmodie soutenue de la voix vindicative de la maîtresse de cérémonie. Un titre fédérateur inattendu qui s'achève comme il a débuté, fragile et épurée. En milieu de parcours, d'une beauté renversante, la voix de Mona Soyoc donne le frisson dans cette superbe ballade qu'est 'Not Sleeping'. Un titre fragile, totalement envoûtant et émouvant en diable. 
MELLANO-SOYOC est décidemment un projet passionnant tant la diversité et la richesse des compositions de Olivier Mellano, donne à Mona Soyoc l'occasion de nous offrir toutes les possibilités de cette voix exceptionnelle. 'Dragon' est un titre puissant en apesanteur, pourtant charpenté d'une lourde et implacable rythmique. Retour à un rock égrainé plus traditionnel avec 'Save You'. Très organique. On retrouve comme dans de nombreux titres de 'Alive' cette urgence, d'agir et de faire passer les messages. Après le bluesy 'One Great Desire', c'est le sautillant 'Idiot' qui développe sa pop expérimentale plutôt efficace alors que l'absent de la version vinyle 'Rider With His Sword' replonge l'auditeur dans l'atmosphère plus mystique de 'Unvulnerable'. Un orgue de cathédrale accompagne une voix puissante, véritable pièce centrale d'une expérience hors du temps. 'Alive' se clôture sur la fragile ballade 'Grateful', petite perle, guitare voix au caractère précieux. Un moment suspendu dans l'espace qu'on aimerait éternel. Pour un premier essai, l'association MELLANO-SOYOC fonctionne à merveille et le bénéfice et l'histoire des deux artistes offrent un mariage réussi sur un premier disque enthousiasmant et habité. la bonne nouvelle et qu'il y aura sans doute une suite à cette belle histoire puisque les protagonistes ont débuté de travail sur un second album à venir.


lundi 3 avril 2023

[ CHRONIQUE ]


WORKING MEN'S CLUB
Fear Fear 
LP/CD/CASSETTE 
[ Heavenly ]
15.07.22



Découverts avec le très accrocheur 'Teeth' fin 2019, les WORKING MEN'S CLUB formés un an auparavant autour du créatif Sidney Minski-Sargeant nous avaient enthousiasmé avec un premier album éponyme tombé comme une météorite dans les bacs à l'automne 2020. Sur ce second opus paru à l'été 2022, le quatuor pouvant se targuer d'une parfaite parité pousse son style métissé vers des contrées plus synthétique encore. 'Fear Fear', toujours aussi agité propose dix nouvelles compositions calibrées pour le mouvement. 
'19', qui ouvre les hostilités, déploie sur plus de cinq minutes une machinerie métronomique ou saccades et nappes atmosphérique s'entrelacent avec délice dans une mélopée fiévreuse. les sirènes très 'club' de 'Fear Fear' syncopent un ensemble de sonorités enchevêtrées, parfois déstabilisantes mais toujours fédératrices dans une envie irrépressible de se déhancher. 'Widow' qui suit cette construction volontairement déconstruite est lui bien plus traditionnel dans sa composition, presque pop et mélodiquement solide, ce titre à la fois dansant et étrangement mélancolique reste en tête et donne des envies d'y revenir encore et encore. WORKING MEN'S CLUB est capable de composer des classiques instantanés et ce 'Widow', aussi immédiat soit-il, en est un. La voix lancinante  de celui qui s'en br.... du boudeur Sidney Minski-Sargeant est une valeur ajoutée au style métissé du groupe. Limite ringard, le très eighties 'Ploys' réussi la prouesse de prendre le statut de morceau important sur 'Fear Fear'. Un mix de musique de jeux vidéo 80's, d'electro et de pop. Plus léger lui et immédiat, 'Cut' est une titre de plus de cinq minutes aussi simpliste qu'efficace sur lequel plane ici et là en arrière cours  l'héritage Vangelis soutenu d'un solide habillage rock. On reste dans la dominante rock avec 'Rapture' qui offre une relecture presque techno des rifs de guitare archis classique du style. 
Autre grand moment de 'Fear Fear' , la beauté glacée de 'Circumference' qui offre aux vocaux de Sidney Minski-Sargeant des envolées salvatrices. Pop et electro, ce titre est une véritable carte de visite pour qui voudrait ouvrir en grand les portes d'un succès plus populaire à WORKING MEN'S CLUB. Après le redoutable 'Heart Attack' aux beats imparables et le mouvement qu'il impose, on plonge dans 'Money Is Mine' seul titre dispensable de l'album, sorte de succession foutraque sans véritable direction, succession d'expérimentations sur une boucle répétitive. Le final nettement plus intéressant porte logiquement le nom de 'The Last One'. Introduite par des rythmiques saccadées, l'ambiance prend de l'épaisseur rapidement avec une gravité qui s'installe et se développe tout au long des sept minutes que serpente cette superbe construction qui prend aux tripes et donne le frisson. Sorte de mélodie de la fin des temps, ce titre à quelque chose d'un opéra moderne, tragique et grave. La voix passe de lancinante à plaintive, mutant parfois jusqu'à des pleurs. C'est dramatique et beau à tomber, et les échos se cognent aux murs d'une cathédrale de sons. 
Quel final pour une second disque plus riche, plus complexe et plus construit. WORKING MEN'S CLUB a grandi et clament 'side by side, burning inside'. Tout n'est pas si 'club', tout n'est pas si rose, tout n'est pas si dansant. L'époque est sombre, la société et malade et de ces faits la musique du quatuor en est empoisonnée. Les enfants on mûris et nous font la démonstration des possibilités présentes et futures et la suite sera sans doute des plus étonnante !