TRISOMIE 21 / Elegance Never Die / P.1
Plus qu'un groupe, TRISOMIE 21 est une légende, initiateurs et créateurs hors pair, les frères Lomprez depuis plus de trente ans innovent et développent leur univers guidé par l'envie et le talent. Alors qu'on pensait le projet en long sommeil ,voilà que TRISOMIE 21 revient par la grande porte avec un nouvel album et une tournée miraculeuse qui va emmener le groupe à travers le monde jusque tard en 2018. Quelle bonheur d'avoir décroché cet entretien tout début novembre. Alors que les premiers signes d'endormissement de la nature se font sentir, TRISOMIE 21 est en phase de réveil, avec le plus beau des cadeaux, 'Elegance Never Die', 11ème album studio passionnant qui sort aujourd'hui même.
FREUND : Au début des années 80, comment en êtes vous venu à choisir ce nom de groupe ?
PHILIPPE LOMPREZ : Le choix du nom pose la question de la norme. Le monde qui était devant nos yeux fin 70, début 80 s'écroulait. Notre région de naissance (Denain 59220) était plongée dans la chaos, un chaos économique et social, mais aussi culturel. La culture de cette région à force d'être à reconstruire du fait de son histoire, repose sur des concepts 'travail et progrès', hors il n'y a plus de travail, le chômage, la misère intellectuelle, la régression remplacent le monde vertueux. Tous les espoirs s'effondrent dans les ténèbres poisseuses. TRISOMIE 21, c'est le choix de l'anormalité, puisque la norme c'est ce monde chaotique dans lequel l'humain n'a plus son mot à dire.
F : Dès la première sortie du groupe en 1983, 'Le Repos Des Enfants Heureux', le succès média et publique est immédiat mais plus encore au niveau international que National. Comment analyser la dimension internationale de TRISOMIE 21 ?
P.L. : Plusieurs raisons à cela : Notre proximité géographique et la similitude sociale et économique avec une partie de la Belgique, voir de l'Angleterre et de l'Allemagne. Notre volonté d'être 'international', plus 'Nord Européen' que Français (choix de l'anglais dans les textes), combiné en France avec le retard, le nombrilisme de l'ensemble du système culturel, presse incluse, avec en plus un syndrome d'illégitimité, voir d'infériorité par rapport à la musique rock 'forcément' anglo-saxonne.
F : En 1988, je découvre la musique de TRISOMIE 21 via l'album 'Works', disque qui raisonne comme un écho de vie. S'y entrechoquent, mélancolie, rébellion, envies et espoirs. Aviez-vous conscience de l'impact et de la portée de votre musique ?
P.L. : Vous avez raison, dans la musique de TRISOMIE 21, voisine rébellion, mélancolie, tristesse et colère. Calme et tempête. Avec l'album 'Million Lights' on brise les chaines. Tous les groupes de l'époque mettent la basse en avant. Cette basse devient un code musical. Nous on la supprime. Avec 'Works', on prend notre liberté, notre destin en main. Artistiquement, on s'affranchit. TRISOMIE 21 est un groupe qui réfléchie sur ce qu'il va faire, comme un jeu, on remet en cause toujours tout. Le confort n'est pas créatif, nous le disions déjà dès les premières interviews. Avec 'Works', je crois que le public prend conscience que nous n'obéissons à rien.
F : Philippe, la voix est un élément essentiel de l'identité TRISOMIE 21. N'as tu jamais eu l'envie de sortir de ta zone de confort et de chanter sur d'autres projets ?
P.L. : La voix est un élément essentiel, mais au même titre que la musique. C'est une alchimie entre ce que compose Hervé (Lomprez) et la personnalité de la voix qui est travaillée comme un instrument. Je ne me suis jamais considéré comme chanteur, mais je suis le chanteur de TRISOMIE 21 et je ne ressens pas au moment ou je te réponds, l'envie d'autres projets.
F : 'La Fête Triste' est aujourd'hui culte, au même titre que 'Djakarta' sonne comme un hymne. Vous souvenez-vous du moment et des circonstances durant lesquels ces titres ont été composés ?
P.L. : Ces titres répondaient à notre volonté de faire des instrumentaux. La voix n'est pas forcément nécessaire. Elle doit pouvoir s'effacer pour laisser la place. 'La Fête Triste', c'est une idée d'Hervé. Lors des réunions de travail, nous visualisions un manège de chevaux de bois qui montent et descendent ; une petite métaphore de la vie finalement, avec ses hauts et ses bas. La vie est un manège, une fête qui parfois traine un spleen. L'idée de 'Djakarta' nous est venue suite au visionnage du film 'L'Année de Tous les Dangers' de Peter Weir qui nous avait touché.
F : En 1989, sort 'Plays The Picture', excellent album quasi instrumental. Aviez-vous dans l'idée à cette époque de diriger TRISOMIE 21 vers d'avantages de compositions sans voix ?
P. L. : En 1989, cet album est au départ un projet, une commande de studio de cinéma. D'où le titre. Cela devait être une sorte de banque de sons, une sorte de 'prêt à porter' musical. A l'écoute, des images devaient jaillir dans la tête de l'auditeur. Notre intérêt pour la dialogue entre image et musique pouvait se matérialiser.
F : 'Gohohako' qui sort en 1997, marque la rupture avec votre label d'origine, Pias, qui semble ne plus vraiment vous soutenir. La fin de cette longue collaboration aurait-elle pu mettre un terme au projet TRISOMIE 21 ?
P.L. : 'Gohohako' clos notre contrat en terme de nombre d'album pour Pias. Ceux-ci ne comprennent pas notre démarche artistique. Je pense avec le recul que notre côté 'électron libre' nuisait à leur catalogue. Ces problèmes contractuels nous ont contraint au silence qui aurait pu s'éterniser.
[ à suivre ... ]
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