lundi 16 septembre 2024

[ CHRONIQUE ]



THE MARCH VIOLETS
'Crocodile Promises'
CD/LP/DL
[ Metropolis ]


THE MARCH VIOLETS émerge en 1981 en plein mouvement nouvellement nommé  'Rock Gothic' dont font partie The Sisters Of Mercy. Le groupe se forme à Leeds  comprenant Simon Denbigh proche d'Eldritch et sa bande, Rosie Garland poétesse et romancière et Tom Ashton à la guitare. Entre 1982 et 1986 sortiront sept singles dont les iconiques 'Snake Dance' et 'Walk Into The Sun'. Les deux premières sorties sont éditées par Merciful Release, le label de The Sisters Of Mercy. En 1985, Simon Denbigh quitte THE MARCH VIOLETS pour divergences musicales. Le groupe se sépare finalement en 1987. Entre 1984 et 1993 paraissent trois compilations regroupant tous les singles et quelques raretés. 
Il faut attendre 2007 pour retrouver THE MARCH VIOLETS en formation originale sur scène à Leeds. D'autres évènements sont prévus mais Rosie Garland tombe malade et les projets sont en suspend. En 2010, le groupe remonte finalement sur scène pour quelques concerts et un projet de premier album est annoncé. C'est en 2013 que 'Made Glorious' paraît en version digitale et double cd limité. Le disque sera réédité en 2023 en version cd et vinyle par le label Jungle.  THE MARCH VIOLETS va tourner en 2013, 2014 et 2015 essentiellement aux Etats Unis.  Un second album est déjà en chantier via Pledge Music et c'est fin 2015 que paraît en version digitale 'Mortality'. Il propose dix nouvelles compositions mais ne verra malheureusement jamais le jour en version physique.  Début 2016 Simon Denbigh subit un grave AVC et une fois encore THE MARCH VIOLETS disparaît des radars. En 2021 et 2022 sortent deux compilations dont un coffret regroupant les BBC Sessions et de nombreux inédits. Fin 2022, THE MARCH VIOLETS est de retour avec une annonce de tournée et de nouveaux enregistrements à venir. Rosie Garland, Tom Ashton et William Faith composent le groupe.  Rapidement c'est Mat Thorpe qui remplace William Faith à la basse et au chant. 'Crocodiles Promises', troisième album studio de THE MARCH VIOLETS paraît en juillet 2024 sur Metropolis et propose neuf nouvelles compositions. 
C'est le single 'Hammer The Last Nail' qui ouvre l'album et dès la première écoute, les éléments se mettent en place naturellement. La son est fluide affuté et chaleureux. La voix de Rosie Garland familière et partie prenante de l'ensemble. Un refrain qui fait mouche et une instrumentation millimétrée. Aucun doute THE MARCH VIOLETS est de retour et semble force de proposition.  'Bite The Hand' bourré d'adrénaline offre un 'death-rock' puissant et inspiré. Morceau sombre et acéré. L'esprit de Christian Death hante l'espace. La suite dont les bases ont été couchées en 1982, rappelle les débuts flamboyant du groupe. Toutes basse et drum-machine en avant. 'Virgin Sheep' est un classique immédiat de rock gothique matiné d'élans punks. Plus loin, c'est un retour à un 'death-rock' classieux. Mélodie simple et habitée, 'Kraken Wakes' est à la fois charpenté, charbonneux et envoûtant. Décidemment 'Crocodile Promises' est d'un excellent niveau. L'album sent l'envie et la détermination. En milieu de parcours, 'Mortality', titre éponyme du second album de THE MARCH VIOLETS se voit remanié, survitaminée par une basse sautillante et les guitares tranchantes de Tom Ashton.  Ecrin pour la voix de Rosie Garland, 'Walk Away From Kind', ballade venimeuse s'étire au loin alors que le soleil se couche laissant place aux ombres de la nuit. L'énergique 'Crocodile Teeth' nous emporte dans un tourbillon de guitares soutenues par une basse métronomique filant à vive allure avec ardeur et dynamisme. En fin de d'album c'est le frisson qui parcours l'échine à l'écoute de 'Heading For The Fire', superbe morceau de bravoure dans la grande tradition 'goth'. Sombre et enflammé ce titre est une pure réussite. 
La dernière marche à pour titre 'This Way Out', morceau fiévreux et ombragé, toute guitares dehors au son âpre et tranchant. THE MARCH VIOLETS en a encore sous le pied et offre un disque incandescent, inspiré et remuant. 'Crocodile Promises' est à la fois diversifié et homogène. Il possède une force et une cohérence étonnante. Ce nouvel album est une réussite mélodique, lyrique et musicale qui donne l'envie de suivre et de soutenir une groupe claquant de vie !

- Olivier-Pierre HANS-LEONELLI -

samedi 7 septembre 2024

[ CHRONIQUE ]



NICK CAVE AND THE BAD SEEDS
'Wild God'
LP/CD/DG
[ Bad Seed - Pias ]


Après un 'Ghosteen' introspectif marqué par le deuil il y a cinq ans on attendait avec impatience la suite de l'aventure Bad Seeds. Il y a eu de nombreux projets annexes qui ont suscité différents niveaux d'intérêts ces dernières années dont plusieurs musiques de films et des passages solo ou duo accompagné de Warren Ellis, mais c'est bien le retour de NICK CAVE AND THE BAD SEEDS qui était le plus attendu. Nick Cave n'a que plus d'éclat en formation rock accompagné des Bad Seeds. Alors que dire de 'Wild God', ce déjà 18ème album studio ?! Le retour du plus grand prêcheur de tout les temps n'est pas rien et même si parfois l'homme donne l'impression d'en faire un peu trop, l'artiste est unique et nous a conquis depuis longtemps. Nick cave est conscient du monde qui l'entoure, de ces difficultés et de sa violence mais il veut croire en la beauté et la magie d'un monde baigné de lumière. C'est ce qui transparaît immédiatement au travers de ce nouveau disque. Le monde et beau, Dieu est grand et nous devons célébrer et profiter des bienfaits de ce monde. La pochette immaculée et le graphisme épuré collent parfaitement au concept de 'Wild God'. Clarté et la pureté. Autant le dire immédiatement, le nouveau NICK CAVE AND THE BAD SEEDS est lumineux et positif, ce qui n'est pas tendance en ces temps troublés.  
L'entrée en matière offre une bouffée d'air frais sur un 'Song Of The Lake' qui ouvre en grand l'espace vers une terre chaleureuse et bienfaitrice. L'ensemble est irradié d'un choeur de voix féminine gospel. La porte est grande ouverte, 'Wild God' peut commencer. C'est justement le titre éponyme qui prend la suite sur du mid-tempo du plus bel effet. Ballade douce et ensoleillée jusqu'à une envolée vers le céleste guidée de voix angéliques. Un passage beau, délicat et habité qui fait du bien. C'est un bonheur de retrouver Nick Cave en groupe sur un titre presque pop. La magie s'intensifie avec le superbe 'Frogs' tout aussi clarteux et NICK CAVE AND THE BAD SEEDS se retrouve au sommet.  La mélodie est majestueuse, la voix, un écho hors du temps et l'instrumentation est magnifique. Apothéose lorsque surgissent les choeurs célestes.  La version instrumentale du titre, inclus sur la version 45 tours met plus encore en avant la beauté des arrangements. La suite se veut plus intimiste. 'Joy', accompagnée principalement d'un piano et d'un cor, laisse totale place à une voix claire et chaleureuse. Plus qu'une ballade, l'histoire qui y est contée à des allures de cantique. On connait les croyances de Nick Cave et c'est là de recueillement dont il s'agit. Alors que 'Wild God' est à mi-parcours, 'Final Rescue Attempt' distille une mélancolie palpable, presque une tristesse latente. Une ballade désabusée, des questions et des puits de lumière habitent cette belle mélodie classique. 
'Conversion' ouvre la seconde moitié du disque avec l'épure. La première partie du titre est planante et l'atmosphère y est sereine jusqu'à l'explosion et l'envolée. Nick Cave scande, la chorale soutient et habille une montée lyrique du plus bel effet. Plus loin, orchestrale et délicate, 'Cinnamon Horses' offre un panorama de toute beauté. La voix se fait déchirante et donne à l'ensemble une émotion à fleur de peau. Les violons tombent en goûtes d'une pluie céleste alors que les cloches retentissent. Un passage d'une grande intensité.  Plus traditionnelle 'Long Dark Night' est une ballade crépusculaire qui par la voix de son auteur en fait un classique immédiat. Cette seconde moitié de l'album est moins émotionnelle mais garde le cap sur la beauté des mélodies simples qui touchent. 'O Wow O Wow (How Wonderfull She Is)' est une ballade chaloupée douce et chaleureuse accompagnée par la voix de la regrettée Anita Lane récupérée sur le répondeur de Nick Cave. Hommage à une amie...  'As The Waters Cover The Sea' est l'épilogue à un retour inspiré pour NICK CAVE AND THE BAD SEEDS qui transcende son Art. Le groupe a retrouvé une cohésion et une lisibilité. 'Wild God' est un beau disque qui contient des moments épiques, des passages extra ordinaires qu'on n'avait plus croisé depuis des lustres. La beauté et la lumière transperce cet album qui regorge d'une sensibilité rare. Nick Cave ramène les Bad Seeds au centre du débat et l'auditeur retrouve la fougue et l'envie. 

- Olivier Pierre HANS-LEONELLI - 


mardi 3 septembre 2024


EINSTURZENDE NEUBAUTEN
'Rampen apm : Alien Pop Music'
double cd / double vinyle
[ Potomak ]


Véritable légende de la musique avant-gardiste, EINSTURZENDE NEUBAUTEN officie et mute dans son propre art depuis maintenant 44 ans. D'un accident et 'Kollaps' en 1980, à ce treizième album, les allemands de la déconstruction ont traversé bien des époques dominant fermement cette création qui n'a eu de cesse d'évoluer au fil des décennies. De la genèse seul subsiste le noyau dur que forment Bargeld, Unruh et Hacke, rejoint au début des années 2000 par Joche Arbeit et Rudolph Moser.  Alors que l'aventure aurait pu s'arrêter voilà quatre ans avec 'Alles In Allem', EINSTURZENDE NEUBAUTEN a poursuivi la création, d'abord sur scène avec au cours des dernières tournées de multiples improvisations qui ont  ensuite lentement et méthodiquement pris formes en studio. 
Il en est ressorti de nombreuses ébauches dont quinze titres finalisés pour former 'Rampen apm : Alien Pop Music', treizième album studio proposé en deux actes sur un double album. La première partie forte de huit plages est plutôt passionnante. L'ensemble présente une pop mutante faite d'échos et d'expérimentations. Sorte de condensé de la carrière du groupe. EINSTURZENDE NEUBAUTEN sur plus de quarante minutes joue avec les textures, le mélodies, le bruit et les silences. 'We Lange Noch?' plutôt mélodique et progressif, laisse place aux vrombissements râpeux d'un 'Ist Ist' enthousiasmant. Plus loin 'Pestalozzi' plus aérien et plus lisible, laisse la part belle aux vocalises uniques d'un Blixa Bargeld en pleine possession de ses moyens. Un morceau d'une grand beauté qui défile comme un sombre conte venu d'ailleurs. Passant du fracas à la mélodie la plus douce de la manière la plus naturelle qui soit, 'Es Könnte Sein' est la preuve de la singularité d'un groupe qui domine son art. Sur ce nouvel album, EINSTURZENDE NEUBAUTEN prend le temps, varie les ambiances et offre de nombreuses respirations tout au long de la progression du disque.  Après le nébuleux, 'Before I Go', c'est l'enchantement avec cette pop extra-terrestre qu'est 'Isso Isso'.  Le développement et le traitement de ce morceau en font une sorte de danse sexy mutante, propice aux mouvements. Tout aussi entraînant, 'Besser Isses' donne le ton et offre à la basse vrombissante de Hacke un espace d'expression privilégié. La formation allemande n'a rien perdue de son mordant et l'inspiration reste de mise tant la musique semble jaillir sans effort. Pour finir, c'est l'expérimental 'Everything Will Be Fine' qui ferme la marche. D'abord parlé, le chant fait son apparition en milieu de morceau.
La seconde partie de 'Rampen apm : Alien Pop Music' est plus expérimentale et débute en mode nocturne avec le mystérieux 'The Pit Of Language'. Lente Progression pour composition contemporaine du plus bel effet. EINSTURZENDE NEUBAUTEN sait aussi créer de longues plages musicales aux climats changeant. 'Planet Umbra' est une longue pièce feutrée et hypnotique. Cette seconde partie consiste en un mix du passé industriel de la formation mêlé à diverses expérimentations. On passe du concret à l'abstrait, du calme à la fureur, du planant au frontal.  A l'introspectif  'Tar & Feathers' succède le brutal 'Aus Den Zeiten'. C'est aussi sans prévenir que déboule tous azimut 'Ick Wees Nich (Noch Nich)', rugueux et indiscipliné. Avant que ne s'achève cette seconde partie, EINSTURZENDE NEUBAUTEN se targue même d'une jolie ballade acoustique nommée  'Trilobiten' qui sème ici et là sérénité et mélancolie. Aussi beau qu'inattendu.  C'est un final poignant et plaintif qui raisonne au son des cloches de 'Gesundbrunnen', une fontaine de santé qui s'essoufle ? 
EINSTURZENDE NEUBAUTEN est de retour avec tout ce qui à fait son histoire. Le groupe possède un langage musical qui n'a d'autre pareil. Ses expérimentations enchevêtrés dans des mélodies étranges sont en mutation permanente. Après tant d'années de création l'intégrité reste de mise. Aussi, la richesse et la diversité des compositions et des textures demeure impressionnante  et malgré tout,  l'ensemble est homogène. Pour toutes ses raisons, EINSTURZENDE NEUBAUTEN mérite toute notre attention et divers voyage à travers ce 'Rampen apm : Alien Pop Music' pour en saisir toute la richesse. 

- Olivier HANS LEONELLI - 


dimanche 1 septembre 2024

[ CHRONIQUE ]


FONTAINES D.C
.
'Romance' 
CD/LP/K7
[ XL Recordings ]


Que de chemin parcouru et à la vitesse de la lumière pour ces talentueux irlandais. FONTAINES D.C. à tout fait, vite et bien, avec aisance (apparente tout au moins). De très bons disques  et une excellente réputation de groupe de scène. Depuis leur formation à Dublin en 2014, quatre albums studio, un album live, diverses participations et même un (bon) album solo du frontman Grian Chatten. Autant dire que 'Romance' le quatrième album de FONTAINES D.C. était attendu au tournant. Changement de label et une tournée mémorable durant laquelle la majeure partie de ce nouveau disque a sans doute été créée. 
'Romance' est un disque court, moins de quarante minutes qui enchaine les titres avec une efficacité étonnante. Pourtant la fan base avait de quoi s'inquiéter à l'écoute de 'Here's The Thing' ou 'Favorite' qui clos l'album. Ces deux compositions plus grand public, calibrées pour les stades ont dérouté avant la sortie de l'album et même si elles ne sont pas mauvaises, loin s'en faut, l'identité de FONTAINES D.C. y est moins ancrée. L'hideuse pochette de l'album n'a pas calmé les anxieux.  Qu'on se rassure, FONTAINES D.C. n'a rien perdu de son talent et  après l'introductif  'Romance', le groupe dégaine la bombe 'Starbuster' excellent titre, original dans l'approche vocale et mélodiquement très fort. 'Desire', suit tout en suspension, plage atmosphérique, presque fantomatique jusqu'à l'explosion, précisant et alourdissant le propos. Un morceau qui termine tout en puissance. FONTAINES D.C. à le chic pour composer des titres simples et beaux. 'In The Modern World' est une ballade nappée de cordes qui touche dès les premières notes. Le chant est habité et lumineux. Un des beaux passages de 'Romance'. Le disque en compte quelques uns. 
La suite s'avère également de haute volée. 'Bug' est un morceau de bravoure avec des frissons dedans. Chanson épique, puissante, fédératrice au charme renversant. Absolument superbe! Après la ballade quasi acoustique 'Motorcycle Boy', 'Sundowner' véritable songe sonore, prolonge le rêve et offre le vecteur idéal pour ne plus toucher  terre. Le flottement est total, perturbé ici et là par quelques saccades. Entre pop et shoegaze, l'expérience est bénéfique et on se laisse bercer par cette plage hybride. Alors que 'Romance' se dirige doucement vers son épilogue, 'Horseness Is The Wathness' se veut être la ballade déchirante. Les violons pleurent alors que la mélodie s'étire vers une mélancolie contagieuse. C'est bien entendu touchant au possible et l'emprise est inévitable. Avant que la folie des stades ne  reprenne FONTAINES D.C., on se laisse emporter par ce noisy 'Death Kink', condensé de rock sensuel qui décroche la palme de morceau le plus cool de l'album.
Aucun doute, les talentueux FONTAINES D.C. sont de retour et n'ont rien perdu de leur superbe. 'Romance' est un beau disque de rock moderne qui n'a d'égal que leurs créateurs. Inspiré et inspirant, le groupe demeure cette créature unique que l'on aime tant !

- Olivier HANS LEONELLI -