dimanche 27 mars 2022

[ CHRONIQUE ]


 
MARTINA TOPLEY-BIRD
Forever I Wait
CD/LP
[MTB]
08.01.22
 
 
 
Espéré depuis des lustres, le nouvel album de MARTINA TOPLEY BIRD s'est fait attendre dix ans. Paru au format digital fin 2021, ce n'est qu'en janvier dernier que son quatrième véritable disque studio est paru. Il faut dire que les évènements sociétales et privés n'ont pas aidé au processus de cette sortie même si l'on ressent dans 'Forever I Wait' une profondeur de ton jamais atteinte dans la travail de l'artiste.
MARTINA TOPLEY BIRD est découverte par Tricky qui lui proposera dès 1995 la partie vocale de son album 'Maxiquaye', elle n'a que vingt ans. Tricky repère la jeune femme assise sur un muret près de chez lui en train de chatonner. Il est séduit par sa voix (et son physique) et la jeune Martina devient rapidement sa partenaire à la ville comme à la scène. Les parties vocales de 'Maxiquaye' seront enregistrées d'une seule prise. Leur collaboration se prolonge sur le projet Nearly God l'année suivante et en 1998 sur le second album de Tricky 'Millenium Tension'. Le couple Tricky, Topley Bird est à l'origine du troisième album de Tricky en 1998, 'Angels With Dirty Face'. Ils auront d'ailleurs une fille ensemble qui se suicide en 2019. 
En 2003, MARTINA TOPLEY BIRD sort son premier album solo, 'Quixotic', pour lequel elle sera nommée au Mercury Prize. Elle travaille dans les années qui suivent avec Gorillaz, Mark Lanegan ou Massive Attack. L'artiste publie son second album en 2008. 'The Blue God' malgré ses qualités indéniables est moins marquant que 'Quixotic'. Lorsqu'elle évoque ses influences artistiques, MARTINA TOPLEY BIRD cite volontiers Ella Fitzgerald et Billie Holidday pour leurs voix et Tom Waits ou Gainsbourg comme influences musicales. 
'Forever I Wait' son nouvel album est un travail difficile et de longue haleine dont elle est très fière puisqu'elle l'associe à un combat et pourtant à l'écoute du disque ce sentiment est absent et c'est plutôt la tristesse et la mélancolie qui prime. On y évolue parfois dans une pénombre heureusement régulièrement baignée de lumière. La quasi totalité des douze titres du disque se résume à un unique mot. Pour ce nouvel album, MARTINA TOPLEY BIRD a été soutenu humainement et artistiquement par Robert Del Naja (3D) de Massive Attack et son influence sonore hante l'ensemble de l'oeuvre. L'ouverture 'Pure Heart' est d'une juste beauté froide, véritable nébuleuse habitée de la voix fantomatique et chaude reconnaissable à l'instant. 'Wanted', mid-tempo suspendue, décolle et offre un panorama musical doux, mélancolique et chaleureux au travers d'une ballade expérimentale de toute beauté. L'ensemble est un fragile équilibre entre expérimentations, rythmiques bien dosées et mélodies fragiles. 'Weasel' en est un bon exemple, entre hip-hop, pop et électro. Les influences du passé aussi ont la dent dure et 'Wyman' aurait pu être impulsé par Tricky dans sa construction. Vocalement, ce disque et plus beau et pur que jamais, MARTINA TOPLEY BIRD au sommet de son art dans des parties vocales quasi a capella fait des merveilles. 'Love', ballade reggae chaloupée offre à la voix de l'artiste l'écrin d'expression idéal. 'Game' qui suit est lui claquant et rêche, hyper synthétique dans son instrumentation et totalement envoûtant, tenu par un chant sautillant et volubile. 
'Collide' est le morceau de bravoure du disque. Un rythme syncopé jazzy pausé sur des accords mineurs et un piano haletant bouscule l'auditeur de sentiments en sentiments. Très original et très beau mélodiquement, la voix se fait plaintive et déclame des texte d'une tristesse infinie. Pour clôturer 'Forever I Wait', MARTINA TOPLEY BIRD fait le choix de n'orner sa voix que de cordes pour le titre 'Rain' qui s'étire comme un chemin de promenade dont on ne distingue aucune fin à l'horizon. 
Ce nouvel album est décidément difficile à catégoriser et c'est bien entendu ce qui fait sa force et sa richesse. MARTINA TOPLEY BIRD est une artiste les yeux et le coeur grands ouverts à l'écoute du monde et de ses mouvements et ces douze nouvelles compositions sont de multiples images de qui elle est, véritable diamant brut dont les reflets ne font qu'irradier son art. Un disque juste est multiple qui reviendra encore et encore avant d'en appréhender toute la substance. Une prouesse !

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