[ CHRONIQUE ]

JUST MUSTARD

Heart Under

CD/LP/CASSETTE

[ Parstisan Records ]

27.05.22

JUST MUSTARD est un quintette formé en 2016 à Dundalk. Ils partagent avec Fontaines D.C. l'Irlande et le label (Partisan records), basé à Brooklyn. Après avec auto-produit un premier disque, 'Wednesday' en 2018 d'un  shoegaze racé et singulier, le groupe embarque en 2019 en tournée mondiale avec Fontaines D.C. pour une mise en lumière plus étendue de leur univers. Le rock sombre, froid et âpre de JUST MUSTARD éveille la presse rock qui commence à parler de ce jeune groupe différent dans l'univers rock. 'Heart Under' le second album sort finalement en mai 2022 et enflamme la presse spécialisée à travers le monde. Le disque produit par le groupe lui-même comporte dix nouveaux titres impressionnants.

JUST MUSTARD dit avoir tenté de travailler le son de telle sorte que l'auditeur ai l'impression d'être dans un train passant dans un tunnel. Niveau sonore, le passage au live est une expérience assez unique, étrange et immersive. Glaciale et mystérieuse, l'introduction de '23' qui ouvre 'Heart Under', laisse entrevoir peu de lumière si ce n'est au travers de l'humanité symbolisée par le voix enfantine de Katie Ball qui n'est pas sans rappeler celle de Alison Shaw du groupe Cranes. Musicalement aussi, JUST MUSTARD peut faire écho aux anglais de Cranes. Basse lourde, atmosphères froides et guitares stridentes qui implosent sans prévenir. La force de JUST MUSTARD malgré ces éléments de similitude est de posséder son identité propre, sans concession, faite de multiples influences et ce premier titre plante nettement le décors. Plus sombre et plus lourd que 'Wednesday', 'Heart Under' est un disque plus 'dark' et plus âpre. 'Still' joue l'équilibriste au flux et reflux de l'apesanteur vocale et de la lourdeur orchestrale métronomique et implacable. Un titre impressionnant de noirceur et de maîtrise. 'I Am You', plus lent et atmosphérique, rappelle l'univers des débuts de Cranes (une fois encore). Basse chaloupée, guitares frottées, voix angélique. Véritable chant de sirènes irrésistible, ce titres et totalement irréel. A l'image de 'Seed', peu de lumière traverse 'Heart Under' qui est un disque immersif, presque opaque à vivre comme une expérience ; expérience proche des dernières apparitions scéniques du groupe qui semble lui même être en introspection au moment de délivrer sa musique. 

En milieu de parcours, 'Blue Chalk' offre une trêve plus expérimentale et moins frontale dans laquelle pourtant la tension perdure. Il subsiste toujours dans les compositions de JUST MUSTARD du mystère, de la noirceur et une certaine tension, un maintien en éveil de l'auditeur qui n'a que de trop rares occasions de fléchir. 'Early' et 'Sore' sont des pop-song déglinguées, bancales et ondulantes qui offrent tous l'espace nécessaire à la voix appuyée de Katie Ball. Sans doute les titres les plus abordables de 'Heart Under' malgré de temps à autre les guitares qui se télescopent. 'Mirror' galope sur une terre aride et fatiguée et l'association d'une orchestration épurée et acide à la voix perché de Katie Ball fait une nouvelle fois écho au chant singulier de Alison Shaw. Pas étonnant que JUST MUSTARD au même titre que Cranes fasse partie des chouchou de Robert Smith qui les invitent en première partie lorsque Cure joue à Dublin. In fine, le plutôt lisible et percussif 'In Shade' ouvre une brèche, un filtre de lumière dans l'obscur, un ouverture dans laquelle s'engouffre une lumière plus intense dans 'Rivers' qui malgré ses aspérités est plus apaisée et se fait même douce à certains moments. 'Heart Under' est un disque conceptuel qui se dévoilera lentement au fil des écoutes, laissant apparaitre ici et là sous une croute épaisse, quelques couleurs bleutés, parfois furtivement incandescente souvent baigné d'ombres et surtout pétrit d'un talent impressionnant pour un second album créé par de si jeunes protagonistes. JUST MUSTARD est décidemment une formation déjà passionnante à suivre de prêt pour un avenir de tous les possibles.