Songs Of A Lost World
CD / VINYLE / K7
[ Polydor ]
On ne reviendra pas sur la légende THE CURE et ses premières racines datant de 1976. En scène depuis 1978, le groupe de Crawley n'a fait qu'animer nos jours et enchanter nos nuits. Groupe à géométrie variable depuis plus de 40 ans, fort de près d'une quinzaine d'albums dont certains sont à placer au panthéon du rock 'spleenien', la formation avec le temps a ralenti le rythme et sa mélancolie s'est délétée. Après un '4:13 Dream' un peu fouillis et en manque d'inspiration, il aura fallu attendre seize ans une suite qu'on attendait plus.
En gestation depuis des années, souffrant de remises en questions et de doutes, ce nouveau disque s'est vite transformé en rumeurs plus ou moins crédibles. Les annonces du leader Robert Smith n'ont rien arrangé, évoquant un nouvel album il y a trois ans et laissant les fans sans nouvelles pendant des périodes allant jusqu'à l'année de silence. Pourtant le groupe travaillait par période à la naissance d'un disque difficile à naître.
'Songs Of A Lost World' est né de la tristesse et de l'absence. Robert Smith a puisé dans des évènements marquant de sa propre vie pour accoucher de titres mélancoliques empreints de douleur et de tristesse. la noirceur à fait son retour et les huit titres présents exorcisent des moments de deuils. Comme ce fut le cas par le passé, 'Songs Of A Lost Word' est un album concept, un ensemble lié. L'introduction mélancolique 'Alone' donne le ton et THE CURE dispense une atmosphère fantomatique, une longue tirade instrumentale avant que la voix, intacte de Robert Smith ne se fasse plaintive et fragile à la fois. A fleur de peau, cette voix nous dépeint un monde de solitude et de tristesse. Comme faisant écho à 'Alone', 'And Nothing Is Forever' renforce le propos. Alors que les nappes de claviers s'évaporent, la guitare, la batterie et la basse structurent l'ensemble. Un ensemble qui rappel certains moments du tant aimé 'Disintegration'. Là encore un long moment instrumental précède l'entrée en scène de Robert Smith qui habille de son timbre unique une ballade crépusculaire. l'obscur perdure avec 'A Fragile Thing', une pop-song ombragée, baignée de rares moments de lumière. Le morceau est très beau, bien construit, bénéficiant d'une mélodie accrocheuse et d'un chant à fois mélancolique et franc. La guitare de Robert Smith y est aussi familière que déchirante.
Alors que la tonalité sombre du disque est déjà bien ancrée, c'est une plongée dans la noirceur absolue que 'Warsong' provoque, toutes guitares dehors. C'est lourd, sombre et torturé comme dans un lointain passé qu'on croyait oublié. Les guitares crient alors que les vocalises de Smith se font plus acérées. Le titres est incandescent et laisse des traces de cendres. 'Drone:No Drone' est un passage à part dans un ensemble homogène. Sorte de 'Never Enough', le titre est plus immédiat et rock. Il reste néanmoins enthousiasmant et plutôt réussi. Le galop est rapidement stoppé par le spleen de 'I Can Never Say Goodbye', composition fragile, fantomatique et sur le fil. Tout en apesanteur, Robert Smith pose une voix émue sur une mélodie simple et douce. Juste avant la majestueuse conclusion, 'All I Ever Am' donne du rythme à un ensemble mid-tempo dans une envolée pop plus lumineuse. Presque dansant, le titre rappel que THE CURE peut aussi proposer une pop sans détour et efficace. C'est avec solennité que 'Songs Of A Lost World' se referme sur le bien nommé 'End Song'. Longue plage semi instrumentale de plus de dix minutes. Glaçant de tristesse et de mélancolie, l'ensemble et d'une beauté renversante. Alliant grandiloquence dans sa forme et la retenue la plus absolue dans le fond, cette longue tirade plaintive touche au coeur et serre la gorge. Il transparait dans ce titre une honnêteté et une fragilité avérée alors que la voix presque désincarnée de Robert Smith récite un texte crépusculaire. Un inespéré et merveilleux diamant noir.
THE CURE avec 'Songs Of A Lost World' n'avait pas proposé un album aussi homogène et inspiré depuis des décennies. On retrouve ici tout ce qui fait la singularité d'un groupe majeur de l'histoire de la musique. La force des mélodies et la sincérité d'un groupe (leader) qui retrouve en lui ce propos qu'il a créé voilà plus de 40 ans. Un retour inespéré et le bonheur des retrouvailles.
- Olivier-Pierre HANS-LEONELLI -