mardi 21 juin 2016

[ ENTRETIEN ]

Depuis 2009 et l'album 'Un/Real', on espérait sans trop y croire qu'un nouvel opus de NORMA LOY soit réalité. Avec la sortie de 'Baphomet' le disque le plus compact et abouti du duo, nous voilà comblé. Depuis toutes ces années que NORMA LOY nous accompagne dans nos vie au travers de son art, tant de questions nous brûlent les lèvres. De la genèse au présent, c'est presque candide que nous nous adressons à Usher et Chelsea qui nous guident avec gentillesse et bienveillance. Dans cette première partie (qui en compte trois), nous abordons les débuts du groupe, les moments clé, le retour en 2009 et comment est perçu l'image de NORMA LOY.



[ NORMA LOY ]

Entretien Exclusif - Partie 1



FREUND : Vous vous êtes rencontré en 1977. Les premiers enregistrements datent du début des années 80 et même si l'attente a parfois été longue, vous êtes toujours revenus. Peut-on dire que NORMA LOY sera tant que Chelsea et Usher seront ?

USHER : En effet, depuis Métal Radiant puis Coït Bergman, nous avons contitué cette entité créative Usher/Chelsea, et lorsqu'ensuite nous avons fondé NORMA LOY, nous avons à nouveau structuré les morceaux du groupe ensemble, grosso modo Usher écrivant la musique et Chelsea les paroles. Mais en réalité, la direction, l'orientation sonore, l'ambiance des chansons est déterminée aussi bien par Chelsea que par moi-même, même si je compositeur et lui le chanteur.
NORMA LOY a d'abord est surtout existé en tant que groupe, et chacun des autres musiciens a apporté son style propre qui est venu enrichir l'ensemble et participer au son global. Sur ce dernier album 'Baphomet', nous sommes revenus à une structure plus intime, en réalité juste Chelsea et moi, par la grâce de la technologie, avec sur certains titres les superbes arrangements de Mika Chrome. Mais oui, NORMA LOY, c'est Usher et Chelsea reunis.

CHELSEA : Avant de faire de la musique, nous avons commencé par une pratique intense de l'écriture. Au tout début, il s'agissait de poésie dans le style beat et surréaliste, puis très vite des textes en cut-up et des productions inspirées des cadavres exquis et de l'écriture automatique mêlées à des productions graphiques. Nous avons auto-édité 4 ouvrages sous le noms de REED & SHIELD / H.PRODUCT. Le premier, 'P.Périodik' en 1978, le dernier étant 'Attitudes' sorti en 80. NORMA LOY se situe donc dans une continuité dont les sources ne sont pas uniquement musicales. 'Romance' qui figure sur le premier maxi de NORMA LOY est une réinterprétation d'un titre de notre duo voix/machines COIT BERGMANN. Nous avons chacun produit des choses de notre côté, mais c'est l'alliance de nos deux personnalités et notre grand connivence qui engendre ce "quelquechose" qui nous dépasse en propre et détermine cette identité forte qui a permis à NORMA LOY de conserver une permanence malgré les changements constants au sein de cette formation. Cela n'enlève rien aux apports de chacun des participants qui ont marqué notre son de leurs empreintes, mais il faut reconnaître et admettre que nous donnons l'impulsion première. Sur ce dernier projet, les choses sont plus claires en effet.



F : Pour en revenir à une période qu'on suppose importante pour le groupe, que pensez-vous du travail effectué par le label Infrastition concernant la réédition du catalogue NORMA LOY ? La collaboration a dû être positive puisque 'Un/Real' est sorti sur ce même label en 2009.

U : Le travail d'Infrastition a été important, permettant de rééditer la presque intégralité du catalogue NORMA LOY. Toutefois aujourd'hui je regrette que les albums ne soient plus vraiment disponibles et surtout que s'agissant de 'Un/Real', que le label à produit, sa sortie soit demeurée quasi confidentielle, car Alexandre ne disposait pas du temps ni de l'énergie nécessaires permettant une réelle promotion. 

C : Infrastition nous a remis le pied à l'étrier. Bien entendu, nous n'avons pu que constater à quel point les structures de production et de distribution musicales s'étaient dégradées par rapport au moment ou nous avons commencé. Les moyens ne sont plus les mêmes, les labels ayant pignon sur rue à l'époque (je parle ici des indépendants) ont pratiquement tous diparus, soit en étant absorbés dans un mouvement global de concentration business plan n'ayant que peu de rapport avec l'idée de création, soit en disparaissant corps et biens. Les nouvelles petites structures sont très méritantes, mais elles pratiques par obligation un positionnement de "niche' qui n'est pas très compatible avec une grande diffusion. A l'époque de 'Sacrifice' les ventes pouvaient être de l'ordre de plus de 6000 exemplaires, ce qui est totalement irréaliste aujourd'hui.



F : En revenant à 'Un/Real', l'album est paru il y a sept ans. Ces années  étaient-elles nécessaires au retour de NORMA LOY ? Vous êtes du genre à vous projeter dans le futur à la fin d'un processus ?

U : Si c'est le sens de la question, il n'était pas prévu, à la sortie de 'Un/Real' de réaliser un album 7 ans plus tard. En fait, nous avons effectué une petite tournée, le groupe était vraiment compact et dynamique avec Guillaume, Scavone H et Stéphane, cette formule aurait pu perdurer si nous avions été davantage soutenus sans doute. Mais tel n'a pas été le cas.
Ensuite, nous avons effectué une expérience avec Chelsea sous le nom de NL2 et joué à l'Usine de Genève seulement tous les deux, dans une formule proche de Suicide. C'est là qu'est né l'idée d'un album, même si à cette époque, il ne s'agissait que d'un EP.




F : Quand on réécoute la discographie de NORMA LOY, on a parfois l'impression que vous avez composé des 'hymnes'. On pense à 'T-Vision', 'Power Of Spirit' ou 'Lesbische Voodoo Teenagers'. Il y a de la revendication, un vent de révolte dans certaines de vos créations ?

C : Quand nous composons un titre, nous n'avons pas d'intention particulière ou de pré-détermination. L'idée de "nous allons produire un hymne" est dont totalement inopérante, c'est le public qui accroche plus ou moins car certains titres doivent résonner davantage dans l'inconscient collectif. D'ailleurs tout le processus de création se situe dans cette double entente qui va du particulier au général, partie d'un ressenti très intime qui va faire sens chez "l'autre" qui se l'appropriera qui lui donnera une certaine grille de lecture. C'est une affaire de conjonction entre la psyché du monde environnant à un moment T avec sa propre imprégnation.
Bien sûr qu'il y a beaucoup de révolte dans notre production, on ne peut pas être que révolté face à la désagrégation d'un monde poussé dans une course folle et privé de sens commun (j'entends par là bénéficiant à l'épanouissement du plus grand nombre). C'est le sens de la première trilogie (T-Vision/Sacrifice/Rebirth) dont la thématique centrale est le CONTROLE. Contrôle des consciences, contrôle des inégalités, contrôle du libre arbitre, contrôle de l'âme. C'est une approche paranoïaque, critique et politique qui trouve ses sources chez W.S Burroughs et les surréalistes. Notre positionnement est essentiellement humaniste. L'autre aspect de la révolte est plutôt de nature philosophique et existentialiste, je pense à Camus mais aussi  à certains textes gnostiques qui mettent en exergue l'interrogation sur la nature du mal et l'incompréhension qui en découle.
'Power Of Spirit' se veut justement une réflexion sur la dualité esprit/corps, mais il n'oppose pas ces deux concepts. L'esprit est incorruptible (immaculate), le monde est un chaos mouvant recombinatoire (maculate) mais le corps est la voie qui débouche sur l'âme si on veut bien l'investir en ce sens. 
'T-Vision' se réfère en grande partie à "Videodrome' de David Cronenberg et aux spectacles de sex-show. 
'Lesbische Voodoo Teenagers' est une sorte de pochade, à prendre au second degré comme une chanson des Cramps par exemple. Le titre provient d'une revue pornographique trouvée sur le marché de Dijon entre deux scéances de répétitions (Lesbische Teenagers), le Voodoo est arrivé plus tard pour pimenter un peu plus l'affaire !


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